La sécurité des routes du Nord de l’Ontario est depuis longtemps remise en question, mais la situation semble plus difficile que jamais cet hiver. Selon les données du détachement de la baie James de la Police provinciale de l’Ontario (PPO), le nombre et la proportion du nombre d’accidents impliquant des poids lourds ont augmenté en 2021 (tableau). Une situation attribuée par les intervenants à l’état des routes, mais aussi à la pénurie de camionneurs.

Johanne Baril a pris le téléphone après un accident de la route à Val Rita le 12 janvier qui a laissé un résident dans un état critique. Trois autres accidents de la route sont survenus dans la région le même jour, tuant une personne près de Earlton et forçant la fermeture d’une partie de la route 11, qui fait partie du réseau transcanadien, chaque fois.
La question était déjà très présente au sein de l’Association de municipalité du Nord-Est de l‘Ontario, dont Mme Baril est la présidente, et cette dernière s’apprêtait déjà à écrire une lettre au gouvernement. Après l’accident à Val Rita, elle a téléphoné à plusieurs personnes de son réseau dans l’espoir de faire débloquer les choses.
Elle a d’abord reçu un appel du ministre du Développement du Nord, des Mines et des Richesses naturelles, Greg Rickford. «On était complètement sur la même longueur d’onde. Il vient de Thunder Bay, alors il sait c’est quoi de voyager sur nos routes», raconte Mme Baril. Le lendemain, elle recevait l’appel de Doug Ford qui donnait son aval à leur projet de groupe de travail.
Groupe de travail
Le groupe de travail sera codirigé par le président de la Fédération des municipalités du Nord de l’Ontario et conseiller municipal de Temiskaming Shores, Danny Whalen, et la présidente de l’Association des municipalités du Nord-Ouest de l’Ontario et mairesse de Shuniah, Wendy Landry. Il est composé de Mme Baril et de quatre autres maires du Nord, dont ceux de Sudbury et de Kapuskasing, de grands chefs et de représentants des Premières Nations, du nouveau président de la Commission de transport Ontario Northland, Alan Spacek, du président de l’Institut des politiques du Nord, Charles Critwill, et du propriétaire de Bumstead Trucking.
Le coprésident Danny Whalen affirme que d’autres membres pourraient s’ajouter au besoin, mais il préfère que le nombre de membres reste petit pour que les rencontres soient productives. La première réunion aura lieu le 27 janvier.
Le groupe de travail est l’une des mesures prévues dans le document Relier Le Nord : Ébouche d’un plan de transport pour le Nord de l’Ontario. Un plan qui manquait de «saveur locale», croit Danny Whalen. «Il se concentre trop sur la façon de faire passer le trafic à travers le Nord, plutôt que dans le Nord.»
Aussi bien pour Mme Baril que pour M. Whalen, la priorité sera la sécurité. Le groupe a cependant un mandat un peu plus large, touchant la facilitation des transports et le développement économique.
Pour M. Whalen, la sécurité a une influence sur l’attrait de la région pour le tourisme. Il pense aussi au nombre croissant de gens des grandes villes qui n’ont pas de voitures et qui, sans transport en commun efficace, ne pourront jamais venir visiter le Nord.
Johanne Baril espère que des améliorations surviendront à court et à moyen terme.
«Je n’ai jamais vu les chemins laids comme ça»
Après l’accident du 12 janvier à Val Rita, un site web a été créé pour envoyer des lettres au premier ministre Ford afin d’attirer son attention sur l’état du transport dans le Nord. Dans la lettre suggérée, il est écrit que «Chad a été frappé par un poids lourd qui roulait trop rapidement et qui dépassait un autre véhicule sur la route 11 à Val Rita, dans une courbe, un montant une côte» (traduction libre).
La circulation est en hausse dans la région, mais «nos chemins n’ont pas été bâtis pour ce nombre de transports là», note Johanne Baril.
«Je n’ai jamais vu les chemins laids comme ça. Je ne sais pas ce qui se passe cette année. Ils manquent peut-être de chauffeurs de plow. Ce n’est pas trop beau», lance le propriétaire et directeur général de Michel Maillé Transport de Kapuskasing, Marc Maillé. Ses camions se déplacent partout en Ontario, jusqu’au Québec et au Manitoba, alors il est bien placé pour comparer l’état des routes.
Mme Baril a aussi remarqué que les routes sont moins bien déneigées, mais elle est consciente du défi. «La route 11 est extrêmement longue. Avec les changements climatiques, il faudra considérer d’autres modèles de déneigement, parce que clairement, ça ne fonctionne pas.»
Marc Maillé fait face au problème de recrutement généralisé dans l’industrie. Il possède quatre camions, mais emploie présentement seulement deux conducteurs. Il y a de plus en plus de conducteurs avec peu d’expérience, surtout peu d’expérience de conduite sur des routes enneigées, qui conduisent rapidement et prennent des risques inutiles.
Pour Danny Whalen, l’attitude des conducteurs est aussi une des causes du problème et fait partie de la solution. Il faut adapter sa conduite aux conditions, ce que trop peu de gens font. «Il y a une pénurie aussi parce que quelques-uns des bons conducteurs, qui conduisent depuis 20 ans, quittent le métier parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité», révèle-t-il.
Ajoutez à cela des horaires surchargés et vous avez un mélange parfait pour des situations dangereuses. Si jamais l’exigence de remplir des registres électroniques allait de l’avant, Marc Maillé craint que la vie des conducteurs devienne encore plus compliquée.
M. Maillé est convaincu qu’une route avec une voie de dépassement en alternance — le principe du 2+1 — augmenterait grandement la sécurité.