C’est avec incrédulité que j’ai pris connaissance de l’éditorial de Réjean Grenier (19 janvier 2022) sur la nécessité de renouveler la marine et la garde-côtière du Canada pour «mieux nous protéger…» contre l’agressivité et l’activité militaire croissante des Russes et des Chinois, dans ce contexte où notre vieille alliance avec les États-Unis semble aujourd’hui plus équivoque que jamais.
À ma connaissance, le Canada demeure le partenaire des États-Uniens au sein de NORAD (North American Aerospace Defense Command) et demeure un membre actif de l’OTAN, dont l’article 5 oblige les signataires à venir au secours des autres membres en cas d’attaque.
Le Canada est membre du consortium de développement de l’avion de combat interarmées F-35 depuis une vingtaine d’années déjà1 et vise l’acquisition de 88 de ces machines de guerre à un cout faramineux qui pourrait dépasser 45 milliards de dollars2.
Le Canada a également entrepris de renouveler sa flotte de navire de guerre et de brise-glace en 2012, consacrant un autre 100 milliards de dollars à l’exercice3. Les chantiers de Seaspan à Vancouver et d’Irving à Halifax devant produire les vaisseaux de guerre, tandis que le chantier Davie à Lévis devant construire les vaisseaux de la garde-côtière.
Les précautions auxquels monsieur Grenier nous appelle, me semble-t-il, ont déjà été prises depuis plus d’une décennie, même si les livraisons se font attendre4. De même, les alliances demeurent, même si les contextes et les menaces ont quelque peu changé.
Alors, quel est le sens de cet appel «à mieux nous protéger contre les Russes et les Chinois»?
Pour ma part, en matière internationale, et sans tomber dans l’idéalisme naïf à la Neville Chamberlain, je préfère de loin lancer l’appel à l’activité diplomatique et à l’apaisement. Car il y a beaucoup à craindre des appels irresponsables à se lancer dans une course à la production et la vente d’armes comme le font actuellement notre éditorialiste et certains politiciens.5
Les guerres ne sont pas source de paix, même lorsque, comme dans le cas de la Deuxième Guerre mondiale, un totalitarisme a été défait en faveur du «monde libre». Ce monde libre et son économie globalisée se sont eux aussi érigés en système de domination et font aujourd’hui partie de l’équation complexe à la source de plusieurs tensions qui menacent de déboucher sur de nouveaux conflits armés. Se défendre, certes, mais viser la paix et l’équité internationale doit demeurer la priorité.
François Boudreau
1 https://www.ic.gc.ca/eic/site/ad-ad.nsf/fra/ad03968.html
3 https://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/app-acq/amd-dp/mer-sea/sncn-nss/rapport-report-fra.html
5 Les récents appels à armer l’Ukraine ces jours-ci, ou l’Arabe Saoudite il y a quelques années, etc. Le Canada est déjà un important fabricant et vendeur d’arme, se classant au 12e rang mondial avec des ventes de l’ordre de 433 milliards de dollars en 2017. https://www.cia.gov/the-world-factbook/countries/canada/