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le Vendredi 28 janvier 2022 3:36 Chroniques et blogues

Quand il faut se pointer du doigt

  Photo : Archives
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À l’approche du premier (et triste) anniversaire de l’insolvabilité de l’Université Laurentienne, la lumière au bout du tunnel semble aussi loin que celle au bout du tunnel de la pandémie. Plus loin peut-être en fait, parce que les plus récentes données sur les intentions d’inscriptions laissent présager que même une fois que la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) prendra fin, la pente sera longue à remonter pour l’université sudburoise.

Les données publiées par le Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario (OUAC) la semaine dernière envoient un message clair à la Laurentienne : nous ne vous faisons pas confiance. 

Malgré une augmentation de 8,4 % des inscriptions partout en province, la Laurentienne affiche la plus forte baisse (de tous les temps?) avec -43,5 % par rapport à janvier 2021. Alors que 4942 avaient déposé des demandes l’an dernier, 2791 l’ont fait cette année.

Il faut quand même légèrement relativiser ces données. Elles comptent seulement les élèves de 12e année de l’Ontario qui ont rempli des demandes d’admission dans les 26 campus universitaires publics de l’Ontario. Pas d’étudiants étrangers, pas d’étudiants plus âgés et d’autres pourraient faire leur demande plus tard. Par contre, ceux qui ont fait plus d’une demande pourraient aussi choisir d’aller chez leur autre choix…

Les médias locaux ont obtenu la répartition des demandes entre programmes en français et programmes en anglais. La diminution est de 42 % en anglais et 52 % en français. Deux chiffres loin des 30 % que la Laurentienne avait dit anticiper après avoir sabré 69 programmes.

Où vont les étudiants francophones du Nord s’ils ne vont plus à la Laurentienne? Ça ne semble pas être ni à l’Université de Hearst — 15 demandes par rapport à 17 en 2021 — ou à l’Université de l’Ontario français — 14 demandes contre 19 en 2021. Le seul autre choix est l’Université d’Ottawa, qui a eu une augmentation de 4114 demandes. Assez pour absorber les hypothétiques 2151 jeunes — anglophones et francophones — qui ne veulent pas fréquenter l’autre université bilingue. 

Mais en toute logique, les francophones sont très probablement répartis dans les universités anglophones ou, pire, ils ont abandonné l’idée d’aller à l’université parce qu’ils ne peuvent pas se permettre le prix des études et d’un loyer.

Enfin, peut-être que d’autres attendent la fin de la pandémie pour éviter les cours en ligne. Justement, les programmes entièrement en ligne de la Laurentienne ont seulement eu une diminution de 1 % des demandes.

On vous parle

L’administration de la Laurentienne doit prendre le blâme de cette déconfiture. Parce que même si le recteur et vice-chancelier se dit déçu mais pas surpris, l’université a elle-même créé cette catastrophe qui aura des répercussions pendant plusieurs années. Parce que moins de nouvelles inscriptions une année veut dire moins d’étudiants pendant 4 ans et plus.

Aussi parce que ce ne sont pas les programmes en moins qui expliquent ces faibles intentions d’inscriptions; c’est tout ce qui se passe autour de la LACC. 

Choix de cours insuffisants. Étudiants mécontents. Bataille judiciaire contre un agent du gouvernement et contre le gouvernement lui-même. Les adolescents ne sont pas les plus grands consommateurs de nouvelles, mais le mot se passe quand même vite sur les réseaux sociaux et les messages privés (pas toujours avec la bonne information en plus).

Toutes ces nouvelles ont détruit la confiance de la population, toutes langues confondues, envers l’établissement. Les étudiants se demandent s’ils commencent leurs études, pourront-ils les terminer dans le Nord? Combien de programmes survivront à cette baisse dramatique?

Il est très probable que si la Laurentienne avait coopéré pleinement avec la vérificatrice générale, évitant les batailles judiciaires à répétition, la diminution aurait été moins importante. Pour l’instant, l’image que l’administration projette est celle d’un petit groupe qui veut protéger ses amis, qui n’a nullement à cœur le bienêtre et les intérêts des étudiants et de la communauté nord-ontarienne… et encore moins de cette des francophones. 

Et ce n’est pas fini

Parlant de la LACC, qui est surpris de la demande de prolongation jusqu’au 31 mai? Personne ne lève la main…

Le processus d’évaluation des réclamations est à peine entamé, nous n’avons jamais eu de nouvelles de l’exercice d’évaluation des bâtiments… 

À eux seuls, ces deux processus seront extrêmement longs. Dans les documents soumis à la cour en décembre, l’université disait s’attendre à des litiges concernant certaines réclamations, dont une déposée en français. L’exercice d’évaluation des avoirs devait servir à déterminer ce qui pourrait être vendu. Trouver des acheteurs et conclure des ententes peut aussi prendre quelques mois.

Alors faisons une prédiction : à la fin mai, l’Université Laurentienne demandera une extension à la protection de la LACC, probablement jusqu’au 31 aout 2022. Il n’est pas rare que les restructurations sous cette loi prennent de deux à trois ans, même quand on n’est pas en train de mordre la main qui nous nourrit.

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